Un enfant.
Fille ou garçon ?
Si on consulte le Petit Robert, on y trouve la définition suivante : « Être humain dans les premières années de sa vie, de la naissance à l'adolescence. »
Il n'est donc pas question de genre, un enfant peut être indifféremment un garçon ou une fille.
C'est, par exemple, ainsi que je voyais les choses lorsque j'ai écrit « Les mots-cailloux » avec un enfant comme personnage principal.
Il pouvait être fille ou garçon. Et c'est entre autre pour cela que je ne lui ai pas donné de prénom.
Mais après l'auteur, il y a le metteur en scène, qui fait ses choix, et notamment du comédien, ou de la comédienne.
Ainsi, pour le metteur en scène, l'enfant des « mots-cailloux » est nécessairement un garçon parce qu'il jette des cailloux sur les fenêtres d'une vieille dame. Une fille ne ferait jamais ça !
Ce qui signifie qu'au-delà d'un substantif non genré, les représentations socio-culturelles peuvent venir définir plus sûrement encore que la grammaire le genre d'un personnage à partir de son comportement, de son langage, de son apparence...
Pour illustrer ce point, je citerai une autre pièce, « Jérémy Fischer » mise en scène par la compagnie Le bruit des ombres. J'ai assisté à une représentation et suis sorti très ému par la beauté et la force du spectacle. Dans cette pièce, l'auteur a bien décidé du sexe de son personnage : on parle de la naissance d'un fils et il se nomme Jérémy.
Les choses sont claires.
Sauf que...
Jérémy est joué par une comédienne et, pour moi, ce personnage a perdu son sexe. Il n'était plus garçon. Ni fille. Il était cet être différent, mi-être humain mi-poisson.
Et dans cette histoire, c'est bien ce qui importe.
Ainsi, quelle que soit l'intention initiale de l'auteur, les choix de mise en scène et le regard du spectateur, les représentations socio-culturelles des uns et des autres peuvent venir infirmer ou confirmer le sexe d'un personnage, même non genré par l'utilisation d'un substantif neutre.
Bien sûr, cela est possible aussi parce que le neutre est un genre oublié de la langue française, comme pour la plupart des langues issues du latin.
Je ne rentrerai pas dans la polémique que peut soulever la définition du neutre proposée par l'Académie Française :
« L'une des contraintes propres à la langue française est qu'elle n'a que deux genres : pour désigner les qualités communes aux deux sexes, il a donc fallu qu'à l'un des deux genres soit conférée une valeur générique afin qu'il puisse neutraliser la différence entre les deux sexes. L'héritage latin a opté pour le masculin. »
Je laisse le soin, à celles et ceux qui sont intéressé-e-s par le débat sur le masculin absorbant le neutre, réalimenté après les déclarations de Jean-Michel Blanquer, actuel ministre de l'Éducation nationale, de lire l'excellent article de Lucy MICHEL, de l'Université de Bourgogne, intitulé « genre grammatical et dénomination de la personne » dont je note le lien ci-dessous.
http://www.implications-philosophiques.org/actualite/une/le-neutre-dune-langue-sans-neutre/
Pour ma part, je conclus par un appel à tous : lorsque nous souhaitons absolument éviter de marquer le sexe d'un personnage, allons jusqu'au bout et utilisons les caractéristiques propres à l'androgyne.
Peupler nos textes et nos plateaux d'androgynes pourraient être un joyeux défi pour brouiller les représentations socio-culturelles et ne plus caractériser les comportements entre êtres humains par leur sexe.
Willerval.